L'ionocinèse, une Histoire...
1958, la "question" du Docteur JANET...

"Le sujet de ma thèse est une exploration nouvelle, nécessairement très avancée, de certains caractères optiques fondamentaux de substances organiques liquides, caractères d'approche difficile peu étudiés et mal définis faute de moyens adaptés. L'un de ces moyens sera par nécessité, mais pour la première fois en optique physique, l'utilisation d'un tube à multiplicateurs d'électrons, qu'il faudra faire venir des Etats-Unis, ce matériel nouveau et révolutionnaire n'étant pas disponible en Europe. Il apparaît toutefois rapidement, au vu des premiers essais, que si la mise en oeuvre du multiplicateur d'électrons s'avère d'une redoutable difficulté dans un domaine aussi nouveau (je devrai entre autres fabriquer entièrement une batterie d'accumulateurs au plomb délivrant une tension de… mille Volts nécessaires au fonctionnement du tube !), l'une des obligations les plus sévères auxquelles je vais devoir satisfaire pour le succès de mes recherches sera la préparation à un très haut degré de pureté des liquides utilisés. Notre labo de physique étant totalement inapte à ces opérations de purification, il faudra trouver un labo d'accueil spécialisé et bien équipé . Fort heureusement, ce labo existe, et de surcroît compte un membre déjà éminent : mon ami Norbert tout à fait retrouvé, grâce à qui j'aurai toutes les facilités pour préparer ces délicats produits !

C'est ainsi que pendant de nombreux mois, je vais squatter un emplacement de travail dans le labo de Chimie organique, où la place est rare et précieuse. Je vais connaître là une période de travail intense mais aussi de moments de détente infiniment sympathiques, mes collègues chimistes et le patron du labo n'ayant entre autres jamais manqué de m'associer au thé quotidien de dix-sept heures, rituel sacré que personne n'imaginerait transgresser ! Et bien sûr, d'interminables discussions avec Norbert, la surveillance des appareils de distillation fractionnée étant tout à fait compatible avec des échanges fort enrichissants, surtout lorsqu'ils se déroulent entre un pur chimiste et un physicien précocement transfuge ! J'ai aussi le plaisir d'initier Norbert à la photo en "petit format" - le 24 x 36 - encore très peu répandu et qu'il va pratiquer très vite avec talent.
…Jusqu'à ce jour - devenu mémorable - où Norbert me pose "la" question : "serais-je intéressé par l'étude et surtout la réalisation d'un système électronique destiné à des applications médicales ?" La question vient en fait du docteur Janet, gastro-entérologue, grand praticien du DNR, qui souhaite remettre à l'honneur les vieilles méthodes de "galvanothérapie", tombées en désuétude au vu de la précarité de leur emploi, de l'irrégularité des résultats et surtout des risques encourus du fait d'une absence de contrôle des paramètres électriques.

Il s'agit en l'occurrence d'acheminer par voie ionique le produit que Norbert a mis au point et qu'il utilise en applications, afin d'en accélérer la pénétration et probablement l'efficacité, en acheminant des intensités de courant suffisantes, hors de tout risque. Le docteur Janet a donc sollicité de Norbert un contact avec un physicien capable d'appréhender le problème biologique, et surtout le problème électronique, chose très peu évidente en 1958. Candide et enthousiaste, j'ai évidemment accepté sur l'instant, à la grande satisfaction et au soulagement de Norbert, dont quelques contacts préalables avec des collègues physiciens avaient sérieusement rafraîchi les espoirs."
1960, l'"ionocinèse contrôlée" du Professeur BRETON...

"Le problème est épineux, l'électronique étant encore dans l'enfance, les matériels assez difficiles à acquérir, l'application au domaine médical plus que confidentielle, et par-dessus tout, la maîtrise complète des paramètres électriques propres aux applications envisagées inexistante à cette époque ! En somme, Norbert me demande simplement de sauter dans le vide, étant entendu qu'on s'occupera plus tard du parachute, ce qui ne peut ni me surprendre ni me choquer de la part… d'un chimiste résolu à ignorer les aléas d'une opération dont le physicien est censé faire son affaire !
C'est hélas (?) plus tard que je réaliserai qu'il n'y avait pas de parachute...

Si le problème de l'étude demandée par Janet est donc réglé dans son principe, il va falloir presque deux années pour apporter la solution opérationnelle ; je dois évidemment avant tout terminer ma thèse, et cela fait, me lancer dans une double investigation : acquérir une solide approche de la biologie cellulaire sous l'angle de l'électrocinétique membranaire, dont j'ai tout lieu de penser que j'aurai à compter avec elle lors de l'utilisation de l'appareillage, et bien entendu une approche approfondie du problème d'électronique que poseront inévitablement les caractéristiques particulières du nouveau dispositif. Ce sera avant tout un inventaire de la bibliographie des travaux déjà accomplis dans ces deux domaines, soit beaucoup d'heures d'un travail indispensable.

Entre temps, par les soins de Norbert, j'ai fait la connaissance du docteur Janet, grand garçon un peu dégingandé, au sourire irrésistible, résolument joyeux et bon vivant, excellent praticien, adorant (lui aussi) les chats et passionné par le travail original que nous allons poursuivre, sous l'oeil ravi de Norbert. Le mérite de Jacques Janet est d'avoir su tirer les leçons des méthodes de la galvanothérapie et de ses aléas : pour éviter ceux-ci et les risques des sources habituelles de courant continu, il faudrait éviter les variations erratiques de ce courant. Ne connaissant rien de l'électronique, Janet ne pourra évidemment aller plus avant, devra avoir recours à une personne avertie, et me trouvera grâce à Norbert…

Le premier travail avec Jacques Janet concerne les pathologies colo-rectales : il faut acheminer in situ le médicament utile additionné de DNR, afin que sa concentration au voisinage du tissu pathologique soit maximale : une électrode spéciale, imaginée par Janet, introduite dans l'ampoule rectale et alimentée en continu du précieux liquide, une électrode disposée sur l'abdomen pour le retour du courant. L'ensemble est alimenté par le premier modèle de générateur de courant régulé, plus exactement de" tension asservie", que j'ai mis au point et livré au printemps de 1960 : j'ai conservé précieusement la facture et le talon du chèque de règlement, en date du 19 mai, premier du genre ! Bien qu'il soit encore relativement rustique, l'appareil va donner immédiatement d'excellents résultats et accréditer "l'ionocinèse contrôlée". J'ai d'ailleurs dû modifier également l'électrode rectale et son système d'alimentation, pour lui adjoindre un dispositif optoélectronique de contrôle des contractions rythmiques du côlon pendant les séances. C'est au cours de ce travail que Janet, dont le diagnostic est presque toujours très pertinent, a retrouvé une amélioration certaine de l'état des patients présentant une tumeur suspecte... et qu'est née la première discussion de fond : qui, de "l'effet électrique" ou de "l'effet DNR" est responsable de l'amélioration ?

C'est probablement de cette période que date aussi l'anxiété de Norbert et sa méfiance vis à vis de ce que j'allais développer avec un succès éclatant et toujours renouvelé : ce que j'avais nommé, en bon jargon de physicien, "l'ionocinèse contrôlée". Nul autre que moi ne pouvait - et pour cause - inventer un tel néologisme, et il est bien regrettable qu'il se soit retrouvé tout à coup… doté d'autres pères ! Ce nom de baptême et sa paternité seront d'ailleurs attestés sans discussion possible par des publications scientifiques personnelles ou collectives sur lesquelles je reviendrai."


1964, du Générateur d'ionocinèse au Cytotron...

"Nous sommes le 16 mai 1964.
Le 27 mai de cette même année, je me rendrai donc à Cognac avec un générateur d'ionocinèse et tous ses accessoires, que notre cardiologue commencera immédiatement à utiliser, après une initiation rapide sans problème. Jeune cardiologue récemment installé dans une région de fortes pathologies cardio-vasculaires, il espère à bon droit mener une carrière honorable dans un domaine assurément difficile et peu gratifiant. Il commettra seulement un grave oubli : qu'il n'est alors qu'un modeste médecin de province, ancien élève d'internat du "grand patron" bordelais fort influent au Conseil de l'Ordre, avec qui il faudra compter si l'orthodoxie est en cause. Et l'orthodoxie est durement malmenée ! En quelques semaines en effet, il accumulera des succès thérapeutiques éclatants, retrouvant sans coup férir les résultats de Rager, et voyant le nombre de ses patients croître de façon vertigineuse. Je suis tenu informé des résultats à la fois par notre oncle dont il assure une discrète surveillance "de routine" et par lui même, heureux de me faire part de résultats inespérés voici peu encore.

Ces résultats sont en outre confirmés par le confrère généraliste, qui m'a d'ailleurs présenté ses excuses pour l'accueil qu'il avait fait à ma proposition initiale. Quelques temps plus tard, un cardiologue demeurant à Angoulême fera acquisition d'un appareil et, sans coup férir, obtiendra les mêmes excellents résultats que ses confrères. Entre temps, devant la qualité des résultats obtenus par le docteur Rager et ses confrères, et la rigueur dont ils font preuve dans la mise en oeuvre quotidienne de l'ionocinèse, je vais commettre, en toute innocence et parfaite bonne foi, l'une des plus énormes erreurs de ma carrière. Je pense en effet que le moment est venu de procéder à une expérimentation "officielle" en milieu hospitalier, dont j'ai évidemment tout lieu d'estimer qu'elle confirmera totalement les observations de Rager et des deux jeunes cardiologues charentais. Je prends alors contact, en fin d'automne 1964, avec "le" grand patron de la cardiologie bordelaise de l'époque, et sur son assentiment, le 13 janvier 1965 j'apporte un appareil et son équipement, qui sont confiés à un médecin de l'équipe.

Plusieurs semaines passent, sans nouvelle. Je me rends alors un soir auprès du grand patron, suis très mal reçu, et repars avec la prière de me mêler de mes affaires, n'étant ni médecin ni moins encore cardiologue. Je recevrai deux jours plus tard une lettre agressive, carrément désobligeante, qui me mettra en demeure de ne participer d'aucune manière à l'expérimentation sous peine d'abandon immédiat, me notifiant seulement que, le cas échéant, je serai informé le moment venu. Un mois et demi plus tard en effet, je rencontre le grand patron, l'air à la fois profondément ennuyé et quelque peu goguenard, qui m'annonce au vu de quelques feuillets, que je ne puis d'ailleurs consulter, que les résultats sont absolument nuls, aucun effet même léger n'ayant pu être mis en évidence. Je ne crois pas utile d'ouvrir une discussion.

Je reprends l'appareil et quitte le grand patron que je ne reverrai d'ailleurs jamais. C'est bien des années plus tard que j'aurai l'explication de "l'échec" et le témoignage de l'ignominie du grand patron : un excellent ami médecin, ancien condisciple de mes jeunes années au labo de biochimie de la Faculté de Médecine, devenu lui-même brillant professeur de cette Faculté, avait entendu raconter par un proche collaborateur du grand patron, lors d'une réunion, l'histoire de l'expérience que j'avais proposée et qui avait été "acceptée". Le collègue s'était bruyamment gaussé de "ce pauvre Professeur Breton qui s'imaginait qu'on allait perdre son temps à essayer son truc sur des malades " ! Le "truc" avait été simplement mis dans un placard et le grand patron avait rédigé (ou fait rédiger ?) le vague compte-rendu parfaitement falsifié d'une expérimentation inexistante ! Ayant eu lui-même à connaître et subir certaines turpitudes du milieu, mon ami avait décidé de m'informer dès qu'il en aurait l'occasion, m'apportant en la circonstance les preuves irrécusables de la forfaiture du grand patron, dont la carrière n'a évidemment pas souffert de cet incident mineur, mais dont les malades ont continué à souffrir et mourir en toute orthodoxie...

Nous verrons d'ailleurs très bientôt comment le grand patron fut même un brillant récidiviste dans le même registre, réussissant à associer bassesse et médiocrité à une malhonnêteté exemplaire. Nous sommes alors dans une période de succès constants et répétés. L'expérience accumulée permet de constater, au fil des mois puis des années, la qualité et la permanence des améliorations observées. Les récidives sont peu nombreuses, variant de 10% en moyenne pour les malades les moins atteints, à moins de 20% pour les cas les plus sévères, soient finalement quelques pour cent seulement de l'ensemble des malades traités, car l'on observe alors que de nouvelles séries de 10 à 15 séances permettent de maîtriser ces récidives dans la majorité des cas, l'ensemble des patients connaissant un retour à une vie et une activité quasi normales. Face à ses propres résultats, la réputation du jeune cardiologue dépasse vite les limites de Cognac et il voit affluer des patients dont certains proviennent… du service de cardiologie du grand patron qui ne peut plus grand chose pour eux. Ils ne se privent pas de rappeler que c'est uniquement par le "bouche à oreille" qu'ils ont appris l'existence de cette technique et ses résultats, et que "l'on" a fortement tenté de les dissuader d'avoir recours à des méthodes illicites, sans efficacité, voire dangereuses ! Et comme l'on pouvait l'attendre, l'affaire revient un jour aux oreilles du grand patron. Le jeune cardiologue est convoqué et mis en demeure de cesser immédiatement l'utilisation de l'ionocinèse sous peine de sanctions graves. Il cède donc à l'injonction, et me renvoie l'appareil quelques temps plus tard. Bien entendu, ses malades recommenceront à souffrir et mourir avec une régularité orthodoxe, sans provoquer le moindre état d'âme dans la cardiologie bordelaise.

Presque simultanément au cardiologue de Cognac, le confrère d'Angoulême qui avait fait acquisition d'un appareil, et bien entendu obtenu les mêmes résultats, a dû en cesser l'utilisation pour les mêmes raisons. Rager allait également connaître de graves problèmes avec le même personnage pour des raisons identiques, mais, alsacien têtu, refuserait de céder, serait contraint à un combat déloyal et finirait par l'emporter au prix de beaucoup de peines et de difficultés. Ce n'est que tardivement d'ailleurs que j'apprendrai ces événements, de sa bouche et toujours de façon très laconique. De cette époque date également une série d'essais effectués à Paris, à l'hôpital Fernand Widal, dans le service de cardiologie.

C'est une fois encore un jeune cardiologue, assistant du chef de service, qui assurera le déroulement des séances d'ionocinèse. Malheureusement, par manque de confiance du personnel et par suite de difficultés opératoires, les résultats obtenus seront moins spectaculaires qu'à l'habitude, quoique toujours largement supérieurs aux thérapeutiques en cours. L'expérimentation sera donc interrompue après le traitement d'une vingtaine de patients seulement. Par contre, le jeune cardiologue fera acquisition d'un Cytotron qui lui apportera les mêmes excellents résultats qu'à ses confrères. Il renoncera cependant quelques mois plus tard, face à la difficulté de mener seul simultanément la tenue du cabinet et l'organisation des séances… et sa carrière à l'hôpital.

Heureusement, je vais rencontrer de manière inattendue (?) un cardiologue "non orthodoxe" avec lequel va se mettre en place une collaboration de près de trente années, qui m'apportera les fruits d'une expérimentation rigoureuse, dont les conclusions finiront de confirmer la réalité indiscutable des effets observés. Là encore, le "bouche à oreille" a été le précieux moyen de faire connaître le produit : c'est par l'entremise des parents de malades traités par Rager, habitant la région de Béziers, que le docteur Clauzel a entendu parler du Cytotron et des ses effets. Clauzel a donc aussitôt pris contact et passé commande d'un appareil. Et c'est ainsi que le 23 septembre 1964 je me rends à Béziers pour installer un nouveau Cytotron, à la grande satisfaction de mon excellent cardiologue, par ailleurs esprit curieux, féru de sciences exactes, qui me harcèlera de questions, heureux d'avoir "sous la main" un physicien très disponible.

Tout comme pour Rager, ce sont près de deux mille malades que ce cardiologue traitera personnellement avec le "Cytotron", nom que j'ai finalement donné au générateur d'ionocinèse."
Extrait du Livre du Professeur Jacques BRETON : "Deux Naïfs Romantiques et Confiants ou DNR et Cytotron"
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